Appel à contribution : Interfrancophonies no 20, 2027

« Régine Robin entre les langues »
sous la direction de Sara De Balsi et Myriam Vien
Interfrancophonies

Autrice d’une œuvre reconnue pour son interdisciplinarité, voire pour son « indisciplinarité » (Désy et al. 2007), Régine Robin nous a quittés en 2021. Ce dossier se concentrera sur la place des langues dans son œuvre, à partir de l’hypothèse que cette œuvre déploie une poétique plurilingue, à la fois dans son versant théorique et dans son versant créatif.

Du yiddish de la famille au français de l’école, de l’anglais à l’allemand et au russe appris pour ses recherches, jusqu’à la langue française du Québec, le parcours de Régine Robin aura été une traversée des langues. Le français, sa langue d’écriture, est pluralisé non seulement par les nombreuses langues qu’elle parlait, lisait et fréquentait, mais aussi par l’altérité de la langue française du Québec, qu’elle considère comme étant, par rapport au français de France, « ni la même, ni une autre » (Robin 1993 : 183), et dont elle ne cesse d’interroger l’inquiétante étrangeté. Cet imaginaire de la langue est doublé d’une hybridation des genres : l’œuvre de Robin ne cesse de repousser les limites de l’écriture académique d’une part, des genres narratifs de l’autre. En outre, la pratique et la pensée de la littérature de Régine Robin sont imprégnées de l’imaginaire de langues absentes, enfouies, revenantes, réinventées : on le retrouve aussi bien dans ses fictions – on pense à La Québécoite et à certaines des nouvelles contenues dans le recueil L’immense fatigue des pierres – que dans des textes à vocation académique comme L’amour du yiddish, et surtout Le deuil de l’origine, consacré à la présence souterraines de langues juives – hébreu, yiddish, judéo-espagnol – chez Freud, Kafka, Canetti, Perec. Mais on peut penser aussi à sa fréquentation du russe, qu’elle avait étudié, et de l’allemand, qu’elle se targuait de ne pas connaître.

Une attention particulière sera portée à la relation de Robin avec sa terre d’élection, le Québec, et particulièrement de la ville de Montréal, où elle émigra à la fin des années soixante-dix. La rencontre avec cette province canadienne, ses villes et sa langue marque en effet un tournant dans l’œuvre et dans la pensée de l’altérité de l’autrice. Le Québec est à l’origine de son texte le plus connu, La Québécoite, paradigme d’une écriture migrante que l’autrice a aussi contribué à théoriser ; mais c’est aussi le lieu d’une « greffe » qui « n’a pas réussi » (Robin 2011), d’une assimilation impossible et d’une différence irréductible que l’écrivaine n’a jamais cessé d’interroger.

Les propositions d’articles pourront aborder, sans s’y limiter, les thèmes et les questions suivants :

  • Le français de Régine Robin : imaginaire de la langue, genres et style
  • La représentation des langues « étrangères » dans les textes : formes d’hétérolinguisme
  • Les langues « étrangères » au service de l’hybridation du texte
  • Langues absentes, oubliées, perdues, enfouies
  • L’Amérique de Régine Robin et la place de l’anglais, en particulier dans La Québécoite
  • La place de l’Allemagne et de l’allemand dans l’œuvre de Régine Robin
  • Quel héritage pour La Québécoite et pour l’écriture migrante que ce texte contribuait à imaginer ?
  • Régine Robin traductrice du yiddish
  • Régine Robin en traduction : quelles traductions et quel accueil en dehors de l’espace francophone ?

Échéancier :

  • Les propositions (500 mots), en français, accompagnées d’une brève note bio-bibliographique, sont à envoyer à fernando.funari@unifi.it d’ici le 1er mars 2025. L’acceptation des propositions sera communiquée le 1er avril 2025.
  • Le articles (rédigés selon les normes éditoriales d’Interfrancophonies http://interfrancophonies.org/normes.html) sont attendus pour le 1er janvier 2026.
  • Parution du volume : 1er juin 2027
  • Pour toute autre information nous vous invitons à visiter le site de la Revue : http://interfrancophonies.org

Œuvres de Régine Robin (choix)

  • Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973
  • Le Cheval blanc de Lénine ou l’Histoire autre, Bruxelles, Complexe, 1979
  • L’Amour du yiddish. Ecriture juive et sentiment de la langue (1830-1930), Paris, Éditions du Sorbier, 1984
  • Le Roman mémoriel, Montréal, Le Préambule, 1989
  • La Québécoite [1983], Montréal, XYZ, 1993 [1983]
  • L’immense fatigue des pierres [1996], Montréal, XYZ, 1999
  • Le Deuil de l’OrigineUne langue en trop, la langue en moins [1993], Paris, Editions Kimé, 2003
  • Cybermigrances. Traversées fugitives, Montréal, VLB éditeur, 2004
  • Nous autres, les autres. Difficile pluralisme, Montréal, Boréal, 2011

Bibliographie

  • De Balsi, Sara, « "Ni tout à fait théorique ni tout à fait fictionnel." Le discours hybride de Régine Robin », Le tournant créatif de la recherche. L’écriture comme instrument fouisseur, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, collection « Recherche-création », 2024.
  • Désy, Caroline, Fauvelle, Véronique, Fridman, Viviana, Maltais, Pascale (dir.), Une œuvre indisciplinaire. Mémoire, texte et identité chez Régine Robin, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007.
  • Ferraro, Alessandra, Écriture migrante et translinguisme au Québec, Venise, La Toletta, 2014
  • Jones, Elizabeth H., Spaces of Belonging. Home, Culture and Identity in 20th Century French Autobiography, Amsterdam/New York, Rodopi, 2007.
  • Kassab, Samia et Suchet, Myriam (dir.), « La langue française n’est pas la langue française », Fabula -LhT, 12, 2014.
  • Simon, Sherry, Le trafic des langues : traduction et culture dans la littérature québécoise, Montréal : Boréal, 1994.
  • Suchet, Myriam, L’imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues, Paris : Classiques Garnier, 2014.